Yoga
Yoga, la conscience infinie
À l’image de l’ayurvéda, le yoga s’emploie à dépasser le dualisme corps-esprit pour retrouver l’unité sous-jacente de la vie. Représentant bien plus qu’une simple gymnastique, cette discipline conduit l’homme vers la conscience illimitée du monde.
Si l’ayurvéda et le yoga représentent deux sciences bien distinctes au sein de l’hindouisme, elles n’en partagent pas moins des notions essentielles. À commencer par la reconnaissance du pouvoir illimité de la conscience. « Tout ce vers quoi nous dirigeons notre attention devient plus fort », précise un texte des Véda. Dans cette perspective, le corps est perçu comme un réseau de canaux énergétiques à travers lequel se déploie notre force vitale (prana), ensemble susceptible d’être « activé » par des techniques mentales. Lorsque l’énergie circule librement, les tissus se purifient et l’esprit peut s’engager sur la voie de la conscience supérieure. Pour y parvenir, le yoga, tout comme l’ayurvéda, s’appuie sur une démarche holistique. En effet, bien que l’Occident se soit surtout intéressé à la dimension physique de la discipline – dont les asana (postures) sont le symbole –, le yoga incarne un système d’éducation à part entière, qui engage tous les aspects de la personnalité (moral, émotionnel, physique, etc.).
En sanscrit, « Yoga » signifie « unir ». Le terme fait référence à la réalité sous-jacente qui unit toutes les manifestations de la vie. Il n’existe pas de date précise attestant de la naissance du yoga, mais ses principes s’inspirent directement de la science védique, née il y a plus de cinq mille ans sur les rives de l’Indus, à une époque où sages et poètes méditaient sur les origines de l’univers. Le grand codificateur de la philosophie yogique sera un homme nommé Patanjali.
Autour du IIe siècle avant notre ère, il rassembla les Yoga Sutra, recueil d’aphorismes définissant le « raja-yoga », l’une des quatre grandes voies de la discipline. Ce corpus s’assigne une mission ambitieuse : libérer l’homme de la confusion, des contingences et de la souffrance. Patanjali décrit un parcours spirituel en « huit étapes ». Connu sous le nom d’ashtanga (« huit membres »), il s’agit de la voie royale du yoga, c’est-à-dire le chemin le plus sûr pour saisir l’« unité profonde de la vie ». Le raja-yoga verra de nombreux courants fleurir en son sein. Un yogi reconnu, qui maîtrise bien ses méthodes, peut parfaitement décider de fonder sa propre école. Cette diversité n’est pas le signe d’une faiblesse. Elle illustre au contraire l’extraordinaire richesse spirituelle du yoga.
L’Inde, berceau des Véda et patrie de Patanjali, abrite d’excellentes retraites yogiques. La plupart des programmes qui y sont déclinés témoignent d’une vision très complète de l’équilibre humain. Nombre d’exercices physiques sont proposés, parmi lesquels des poses pour assouplir le corps (asana), des contractions musculaires pour éliminer les impuretés et éclaircir l’esprit (bandha), ou encore des techniques oculaires pour améliorer la concentration (drishti). « La souplesse infinie est le secret de l’immortalité », assure une devise yogique. Il n’est pas rare que les retraites conjuguent les vertus du yoga à celles de l’ayurvéda, selon le principe du tandem. Une attention toute particulière est ainsi portée sur la nourriture, qui doit être équilibrée, fraîche et strictement végétarienne.
Ces établissements proposent enfin des séances de méditation variées – fixation d’objets, mouvements des mains, chants sacrés, silences propices, etc. – ainsi que des lectures et des discussions autour de la philosophie indienne.
Une pratique assidue du yoga est susceptible d’apporter des réponses durables à des problèmes chroniques tels que le stress, l’insomnie, l’hypertension, le diabète, l’obésité ou encore l’asthme. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer ces yogis qui, par le seul mouvement de leur conscience, parviennent à ralentir leur rythme cardiaque ou à modifier la température de leur corps. En se conformant rigoureusement aux enseignements du yoga, on finit par ressentir une forme d’émancipation, un détachement qui abolit les contingences et les oppositions stériles du monde : la conscience passe en toute liberté du champ intérieur au champ extérieur de la vie. « Vous devenez ce que vous voyez », précisent les Yoga Sutra de Patanjali. Cet état, le grand codificateur du yoga le désigne sous le terme de samadhi : un « plongeon dans l’abîme » où il n’y a plus ni pensées, ni temps, ni espace. Juste le royaume infini de la pure conscience. À ce stade, on comprend naturellement que l’homme n’a pas lieu de chercher le bonheur en dehors de lui-même, démarche qui n’apporte que confusion et turbulences mentales. La paix est en nous, comme l’affirmait brillamment un poète oriental du Moyen-Âge : « Pourquoi demeurer en prison quand la porte de la cellule est grande ouverte ? ».